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Hiroko Ito joue l’éclectisme

L’artiste provoque la poésie de l(a)me

Hiroko ito est une artiste nippone qui vit aujourd’hui à Paris depuis quelques années. Cette musicienne de talent est tombée très vite sous le charme de l’accordéon… Après avoir fait du piano classique, elle se trouve happée par le son particulier de l’instrument. Fascinée par le timbre singulier, Hiroko décide alors d’apprendre à jouer de la boîte à soufflet, et c’est auprès du musicien japonais Coba, à la renommée internationale, qu’elle prend ses premières marques. 

Mais c’est lors d’un concert donné au Japon que Hiroko va définitivement trouver sa voie. Elle entend pour la première fois l’un des précurseurs de l’accordéon classique et jazz, connu aussi comme l’un des accompagnateurs d’Edith Piaf, de Barbara, de Juliette Gréco ou encore de Jacques Brel qui lui avait lancé le célèbre "Chauffe Marcel !"  pour l’encourager à jouer et se donner à fond… l’un des musiciens respectés pour son incroyable participation au développement de l’enseignement de l’accordéon : monsieur Marcel Azzola.

Hiroko découvre à l’écoute de Marcel Azzola un jeu musical d’une très grande fluidité, un toucher délicat, une sonorité particulière.

L’« étrange » instrument à la palette sonore si riche, si étendue, semble l’appeler vers d’autres horizons… lointains. Hiroko ne pense alors qu’à une seule chose : se consacrer à cet instrument à vent, totalement, dans les moindres recoins de ses « lames ». Elle décide de quitter le Japon, pour comprendre, s’imprégner en France de la culture « musette »… le pays où l’accordéon a fait tant danser et tant parler de lui, là où se trouvent de nombreux musiciens et musiciennes accordéonistes.

Marcel Azzola lui recommande alors de prendre des cours auprès d’un professeur émérite Joe Rossi, l'un des fondateurs et pédagogues de l'Académie d'Accordéon de Paris, qui s’est produit en quartet avec Richard Galliano, Valérie et Frédéric Guérouet dans les années 80, ainsi qu’aux côtés de Joss Baselli et Marcel Azzola, bien sûr !

La jeune femme, intimidée mais néanmoins sûre d’elle, frappe à la porte de Joe Rossi pour commencer l’aventure musicale… et ses premiers cours auprès du grand maître… L’élève écoute, se perfectionne, s’immisce dans l’univers du musette, de la chanson française… Hiroko s’imprègne de rythmes différents. Elle s’affirme aussi jusqu’à jouer en duo avec Joe Rossi lors de tournées en Europe ou au Japon.

Le parcours de la musicienne  est jalonné de magnifiques  et déterminantes rencontres : Marcel Azzola, Joë Rossi mais aussi celle de François Parisi, figure incontournable du néo-musette, qui a collaboré avec le groupe MAM et Viviane Arnoux, autre accordéoniste.

Hiroko Ito sort un album « Quintessence »… une œuvre originale qui puise fortement dans la tradition de l’accordéon français, et surtout du musette.

Mais Hiroko  ne se retrouve pas totalement dans cet univers qu’elle aime mais qui ne lui appartient pas « le musette, je l’aimais, mais il ne faisait pas partie de moi ». La musicienne commence alors à composer, personnaliser son univers… Elle puise au cœur d’elle même, s’interroge et se rend compte que sa propre culture réapparaît, comme une source qui rejaillit, des souvenirs enfouis qui remontent à la surface…. « Tout cela dormait profondément. Mais heureusement, de belles inspirations sont apparues, comme une eau très riche… », déclare l’artiste.

Ce qui n’était alors qu’une eau trouble devient une eau claire et limpide, véritable miroir qui renvoie à Hiroko l’image d’une musicienne japonaise aux influences les plus diverses. Et c’est cela qu’elle va exploiter.  Soudainement, elle reprend racines, s’intéresse de nouveau aux airs traditionnels japonais, liés aux festivités ou autres manifestations shintoïstes ou bouddhistes. Hiroko se retrouve, s’abandonne à ses passions… et développe un « melting pot », nom du groupe qu’elle va créer, tout à fait  impressionnant. C’est un mélange d’artistes venus de plusieurs continents : Sylvain Diony, guitariste français qui depuis plusieurs années joue aussi du shamisen, Mauricia Angarita, contrebassiste colombien qui fait aussi partie  de nombreuses formations de tango dont le quintette et le grand orchestre de Juan José Mosalini, Christian Paoli, percussionniste qui a, quant à lui , souvent joué auprès d'artistes brésiliens comme Monica Passos ou Nazare Pereira, et Emiko Ota aux percussions japonaises, plus enclin à la pop, l’électro, et qui élabore un jeu éblouissant dans des formations expérimentales et traditionnelles japonaises.  Le melting-pot représente l’esprit qui relie l’Orient à l’Occident dans un style d’écriture musicale très personnelle.

Les créations d’Hiroko se teintent de parfums délicats. Elle mêle les rythmes au son de l’accordéon, mais aussi du shamisen, du taiko, de la contrebasse, de la guitare…  Elle réveille les saveurs nouvelles et comme elle aime le dire elle-même « C’est un peu comme la cuisine, le plat principal est la musique japonaise saupoudrée de maints épices ; qui sont  autant de rythmes divers comme le jazz ou le tango ». Ses compositions sont un mariage exceptionnel entre le tango, musique qu’affectionne tout particulièrement Hiroko pour sa sensualité, ses langueurs et ses élans passionnels et l’ohayashi, une sorte de musique des fêtes japonaises traditionnelles.

Les mélodies sont devenues des musiques révélées par les nombreux voyages, et par la vie bien remplie de l’accordéoniste. Le nouvel album d’Hiroko et de son groupe Melting pot « Tango Bayashi » « Happy requiem » est une évocation à la vie saupoudrée de titres évocateurs comme « Tango Bayashi », « Japonimusette », « Tango Sumo »… Ce sont des états d’âmes, des moments d’extase.  Des paysages de lumière mis en musique  dignes du majestueux écrivain Kawabata. « Et l’accordéon est l’instrument idéal pour évoquer tous ces moments. Il sait faire pleurer ou rire. Provoquer, faire naître les sentiments les plus divers. Ma musique est aussi pleine d’humour et très tonique », affirme l’artiste.

De la tristesse à la joie, « Happy requiem » est un hymne à la Vie. Hiroko Ito raconte l’histoire d’un voyage sur fond d’images colorées et sonores, d’illusions perdues, d’étendues magiques… Les arrangements audacieux, riches et expressifs créent une musique ouverte sur le monde. Inspirée tout simplement.

Françoise Jallot